Les filles



Ici, je pense devoir faire une parenthèse : la vie militaire a peut-être été pour beaucoup dans ma jeunesse mais pas plus ou presque que celle des jeunes gens de mon âge !

A vrai dire, comme quelqu'un de normalement constitué, je m’intéressais aussi à des choses plus agréables que le maniement des armes.

Un hasard m'avait ramené près de chez moi, donc permis de vivre un peu comme avant ou tout au moins de continuer les mêmes relations. Comme je l'ai dit, les naissances avaient été rares en 1915 ; les garçons étaient enrégimentés, il restait les filles.

Seulement, il y en avait peu, et puis le décalage de maturité était plus grand qu'aujourd'hui ! Ce qui, en d’autres termes, veut dire que les filles de nos âges étaient plus attirées par nos aînés ! Alors il nous restait les demoiselles d'après guerre et alors là, il y en avait des tas !

Seulement voilà, si la ceinture de chasteté n'existait plus, le barrage des belles-mères, des grands frères ou grandes sœurs était difficile à franchir. Et puis je n'étais que le fils d'un modeste fonctionnaire et je ne pesais pas lourd contre un fils de vignerons ou de paysans : le fric ! Toujours le fric !! A vrai dire ce n'était pas du côté des filles que ça clochait mais du côté des gardes du corps !

Il est mal aisé d'expliquer cette époque pourtant si près de l'actuelle ; le fameux «Il faut faire plaisir à la mère» existait vraiment et, comme à longue échéance on pensait mariage, on pensait aussi mésalliance !!

«Il est gentil mais il n'a pas le sou» !!! «Si tu le fréquentes, après on ne voudra plus de toi» !!!

Que de ménages futurs gâchés par ce dirigisme bourgeois ! Bref, j'essayais tant bien que mal de faire ma petite place, seulement ce n'était pas aisé ; il y avait à l'époque 4 ou 5 bals par an et chaque dimanche après midi au son d'un piano mécanique, puis d'un électrophone ensuite, quelques couples se marchaient sur les pieds en appelant cela danser !

Marcel Geffroy

20 Novembre 1915

12 Mars 2002