La maladie


A vrai dire, je n'étais pas malheureux : je composais des poèmes et, comme la classe était proche, je fis une grande partie de la fameuse «lettre du père cent» que l'on envoyait aux parents et amis pour les prévenir de notre libération prochaine ; j'avais, chaque dimanche, la visite de ma nouvelle amie qui était placée à Auxerre même. Elle n'avait que quelques heures le dimanche après-midi ! Dame!! Une «bonniche» et de l'assistance publique encore !! On n'allait pas en «faire un plat». Il fallait surveiller cette «sale graine» et «Madame» n’allait pas faire la vaisselle le dimanche à midi : jour où l'on recevait !!

J'étais parfois enveloppé de la tête aux pieds, les bras, les jambes badigeonnés d'huile de cade ! Cela avait une odeur particulière et ne guérissait guère !! Jouer aux dames et aux cartes emplissait nos journées. Le temps s'écoulait et, au bout de quelques mois, je partis en convalescence à Dijon pour des séances d'ultra-violet.

C’était une vieille demeure du siècle précédent traversée par une rivière, l'Ouche je crois, dans laquelle pullulaient les rats ; les internes les tiraient à la carabine et cela, pour un entrant, donnait du moral. On me dirigea vers le dernier étage : la dermatologie. Une chambre immense, presque sous les toits et passablement délabrée ; un nouvel hôpital existait déjà et la dermatologie était l'un des derniers services à partir ! Naturellement on ne réparait plus rien ! 

Marcel Geffroy

20 Novembre 1915

12 Mars 2002