En Allemagne



Pendant ce temps, de l'autre coté du Rhin, on travaillait ferme : on formait des tankistes, des aviateurs. On exaltait la nation, la race et, ce que nous ignorions, on déportait déjà.

Je considère comme criminel de ne pas nous avoir dit la vérité à cette époque ; a vingt ans, qui de nous se souciait de cela ?? On nous disait : «Nous sommes la 2ème puissance coloniale du monde. Nous sommes alliés avec l'Angleterre qui est la 1ère !!! Cet illuminé d'outre-Rhin est un braillard qui disparaîtra comme il est apparu » !!!

En attendant, pour se faire la main, il avalait tous les 6 mois un petit bout d'Europe. Seulement, ce qui nous gênait, ce n'était pas les peuples qu'il mettait sous sa botte ! C'était, plus prosaïquement, parce que chaque fois cette revendication d'espace vital (un mot à la mode dans les dictatures) avait lieu la veille d'un départ en permission et, de ce fait, supprimait celles-ci !!!

Qu'il annexe l'Autriche ne nous gênait guère mais la perm qui sautait, c'était une autre histoire !!

Comme de toute façon le fait était accompli, cela ne servait qu'à enquiquiner les pauvres bougres.

Quand je lis, 40 ans plus tard, les articles ou les livres relatant cette période, je suis étonné de découvrir que, d'après eux, tout le monde s'attendait à la guerre !!! Je dois être le seul à ne pas avoir envisagé cela. Heureuse jeunesse et surtout heureux enthousiasme !!

Je ne restai pas longtemps chez les chasseurs. Au mois de janvier 1937 je fus transféré au 4ème RI près de chez moi. Je n'ai jamais su au juste comment cela s'est produit ??? Mon père, vieux radical anticlérical, avait dans ses connaissances un obscur fonctionnaire (je croyais) qui venait en vacances près de chez nous. Nous devions être vaguement cousins du côté maternel. Il se trouva que celui-ci (eh oui, excusez du peu) était secrétaire particulier de Daladier, alors ministre de la guerre !!

Un petit carré de papier, une signature et « passez muscade » : en 3 jours c'était réglé !! 

Marcel Geffroy

20 Novembre 1915

12 Mars 2002