Le service militaire de 1936 à 1938




Bref, ce fut dans cet état d'esprit qu'un beau jour d'octobre 1936 je me retrouvai habillé de bleu dans un bataillon de chasseurs à pied aux environs de Nancy.

Je ne sais pas s'il existe des gens ayant ce qu'on appelle l'esprit militaire ! C'est possible ! Mais à l'échelon de soldat, pardon de chasseur, ce ne peut être que des anormaux !!! La plupart des appelés le pense après ! Moi je le pensais avant !

D'abord le costume :

J'étais croquignolet avec les fameuses bandes molletières que l'Europe nous envia longtemps et de magnifiques godillots au bout légèrement relevé du plus joli effet !

Comme en plus tout cela était au moins 2 tailles trop grandes et, bien entendu, sans boutons! j'ignorerai toujours pourquoi l'ancien «locataire» les avait ôtés ?? et avec quelques poches déchirées ou accrocs plus ou moins grands !

L’équipement : cartouchières, fusils, baïonnette modèle 1886 modifié 1915 ! (c'est beau la tradition).

Plus beau qu'on ne saurait le croire puisque nous devions garder relevés les pans de notre capote pour purger une punition infligée à une époque où nous n'étions pas nés.

Je commis, entre autre erreur, celle de ne pas faire de faute dans l'examen des capacités intellectuelles des appelés. Comme les 4 opérations obligatoires et réglementaires ont été justes je fus bombardé Élève Caporal. Je fis remarquer que je n'étais pas volontaire et même que je l'avais écrit ! Je dus constater que mon interlocuteur n'avait rien d'un administrateur du Front Populaire ! Je fus traité de «politicien de gauche» de «salopard en casquette» : les «képis» ne les aimaient pas ! Et le résultat fut que je me retrouvai volontaire quand même !

J'avoue que je fus surpris quand je sus le petit nombre d'appelés ayant les mêmes notes que moi !

Cela était à la portée d'un élève de cours élémentaire de mon école primaire et, à 10 ans déjà, j'étais capable de faire mieux ; avec l'école et les maîtres d'alors je trouvai cela aberrant !

A vrai dire, je n'étais guère armé pour la vie et peut-être ai-je plus souffert qu'un autre. Je suis d'un caractère inquiet, assez impressionnable et aussi peu communicatif. Je n'ai jamais pu me plier à la vie en commun 

Marcel Geffroy

20 Novembre 1915

12 Mars 2002