Le mariage



Comme je pensais être stabilisé et que, tout de même, à cette époque, on devait faire une fin, nous songeâmes au mariage. Mon cousin, le 1er, franchit le pas et je le suivis. C'était idiot je le sais maintenant et, malgré mes malheurs futurs, je ne pense pas le regretter !! Le 25 février 1939, le fait fut accompli et dura jusqu'au 21 mars suivant ! C'est court comme vie commune ! Fallait-il que nous soyons jeunes ; que nous soyons bêtes !! Le monde croulait, c'est vrai, mais nous voulions vivre, essayer quelque chose ! Le gouvernement en décida autrement ! Une petite carte sanglée de tricolore (immédiatement et sans délai pour 1 période de 21 jours); cela s'appelle un rappel sous les drapeaux (adieu beaux rêves) à peine 4 semaines de vie commune et déjà séparés : j'ignorais que ce serait pour toujours ! J'arrivai à la caserne le lendemain et là on me renvoya !!! J'étais soutien de famille et j'étais exempté ! Tout joyeux je rentrai chez moi…pour 24h !!! J'étais bien soutien de famille mais je n'étais pas l’aîné !! J'avais un frère plus âgé que moi qui était réformé et la France avait besoin de moi pour éviter la guerre !!

Le décret disait «l’aîné de plus de 5 enfants, les filles ne comptant que pour le nombre». C'est à dire que j'aurais eu 5 sœurs et que je sois le 6ème, j'étais dispensé !! Notre ministre était un type curieux ! Et l'on s'étonne que nous ayons été vaincus !!

Bref, je reçus un 2ème ordre et je partis pour de bon cette fois. Curieuse langue française ; ce «bon» était pour le moins relatif !!

Mon rappel et celui de ma classe n'eurent hélas aucun effet sur le processus de guerre et j'aurais eu quelques mois de bonheur de plus!! En réalité, la plupart de mes camarades furent envoyés dans le midi garder les républicains espagnols qui avaient fui le régime de Franco. On leur avait adjoint des gardes mobiles qui commandaient les groupes et ils jouaient les garde-chiourme.

Comme j'étais marié je restai à Auxerre !  

Marcel Geffroy

20 Novembre 1915

12 Mars 2002