La période entre le service militaire et la mobilisation



La conséquence fut que, moi qui n'avais jamais été à la charge de personne, je me retrouvai chez mes parents. Je les avais quittés à 13 ans, j'en avais 23, je n'avais pas un rond, je leur avais toujours donné ce que je gagnais.

Bref, ce n'était pas rose et, en plus, c'était de ma faute. Alors ma foi tant pis, je cherchai du travail, n'importe lequel, et c'est de cette façon que je devins maçon. Je n'étais guère équipé pour ce métier, il me fallut trouver d'autres habits, d'autres chaussures ! Bref, tout pour moi fut transformé et pourtant je m'habituai assez vite à ma nouvelle vie.

Et alors, allez savoir pourquoi, mes plaques d'eczéma disparurent en quelques semaines.

Bien entendu, je continuais à voir ma connaissance chaque semaine ; 20 Kms à vélo : bien sûr, on n'est pas fatigué à cet âge ! J'avais une tante à Auxerre et un cousin un peu plus jeune que moi ; il me prêtait des habits et je couchais avec lui. Comme tout cela est loin !!

Sa destinée à lui fut encore plus triste que la mienne. Condamné en 44 pour collaboration, il devait s'évader de Fresnes et partir en Amérique du Sud, au Vénézuéla je crois ! Je l'aimais bien. J'ai toujours pensé qu'il était moins coupable qu'on me l'a dit. 1944 n'a pas été fatale qu'aux Allemands. Peut-être a-t-il été imprudent seulement.

Pour moi, il reste le charmant garçon que j'admirais beaucoup. Il était fiancé et nous sortions tous quatre le samedi soir et le dimanche : c'était charmant ! Le réveil le fut moins, hélas !

Marcel Geffroy

20 Novembre 1915

12 Mars 2002