Les élections

 

 

 

 

 

 

 

Vous devez tous savoir

 

Que depuis beaucoup d'années

 

Ils nous faut pour pourvoir

 

Au remplacement d’nos députés

 

Se déranger tous les quatre ans

 

Pour fair’ notr’ devoir d'citoyen

 

En glissant dans l'urne simplement

 

Une enveloppe et son bulletin.

 

 

 

A l'époque où je vous parle

 

Y’avait comme candidats

 

Un type qui s'appelait Charles

 

Et un autre nommé Nicolas.

 

Tous deux étaient Républicains

 

Un de gauche et un d'l'aut’ côté

 

Et chacun d'eux était certain

 

Que l'autre avait beaucoup volé.

 

 

 

A la première réunion

 

Où ils se trouvèrent tous deux

 

Il y eut une discussion

 

Dont le thème fut orageux

 

Des orateurs populaires

 

Prirent la parole de suite

 

Et chacun à sa manière

 

Crut sauver la République

 

 

 

D'abord dit un fonctionnaire

 

Il faudrait déjà commencer

 

Par augmenter notre salaire

 

Car on ne peut plus y arriver

 

Chacun des deux candidats

 

L’assura de son intention

 

Aussitôt les élections

 

De demander qu'on l’augmentât

 

 

 

Ensuite dit un commerçant

 

Comment peut-on vivre maintenant.

 

Avec vos patentes vos impôts

 

On va bientôt nous prendre not'peau

 

Mais notre programme prévoit

 

Assurèrent-ils tous deux

 

Que c'est une chose qui se voit

 

Les impôts sont trop onéreux

 

 

 

Maintenant dit l'cultivateur

 

Si j'parlions un peu d'nout’ blé

 

Poul l'moment il a pas grand valeur

 

V'allez toujours ben l'augmenter

 

Le fait est convinrent-ils tous deux

 

Que vous avez pleinement raison

 

Pour que vous soyez heureux

 

Le cours du blé nous remonterons.

 

 

 

A ce moment un ouvrier se leva

 

Le pain est trop cher dit-il

 

Et ma foi s’y diminue pas

 

J'pourrai plus nourrir ma famille

 

Soyez tranquille mon ami

 

Assurent-ils à l'unisson

 

Le pain baissera de prix

 

Sitôt après les élections

 

 

 

Les candidats à cet instant

 

S’apprêtaient à se retirer

 

Lorsque l'un des assistants

 

Demanda soudain à parler

 

Il se nommait l’père Prosper

 

Et c’était un vieux malin

 

Il avait vu les deux guerres

 

Personne ne y'en r'montrerait point

 

 

 

J'va vous dire moi que v'là

 

Vous êtes tous les deux des menteux

 

Aussi vrai que ceux qui sont là

 

Vous vous foutez pas mal d'eux

 

Vous voulez augmenter paraît

 

La paye à not’ postier

 

Mais où c'est qu'vous prendrez les sous

 

Dites-moi-le donc bande de filous.

 

 

 

Puisque vous diminuez les impôts

 

Y’aura pu d'argent dans la caisse

 

Faudrait être borné comme un pot

 

Pour pas vouér que c'est d’la foutaise

 

C'est coum’ nout’ blé qu'va augmenter

 

Pour fai’ plaisir à mon cousin

 

Et l'pain qui lui va diminuer

 

Coum vous l'ai dit à mon vouésin

 

 

 

Faut pas m'raconter ça à moué

 

Qui suis un des vieux d'la vieille

 

Qu'ai connu l'grand Gambetta

 

Et qui ai causé à l'oreille

 

C'était un houm çui-là

 

Y pouvait s'montrer en public

 

C'est pou’ la paye vous qu’v’êt’ là

 

Vous vous foutez ben d'la République.

 

 

 

Marcel Geffroy

20 Novembre 1915

12 Mars 2002