Le pari du Colonel

 

 

 

 

 

 

 

Dans une garnison de province

 

Arrivait un jeune lieutenant

 

Fort élégant la lèvre mince

 

Il avait tout du conquérant

 

Le colonel comme il se doit

 

Avait à cette belle occasion

 

Son grade lui en donnant le droit

 

Organisé une réception.

 

Celle-ci fut excellente

 

Fort arrosée naturellement

 

Cordiale fut promise l'entente

 

Des officiers et du lieutenant.

 

Mais alors que tous partirent

 

Le colonel demeura là :

 

« J'ai quelque chose à vous dire

 

Jeune homme ne partez pas »

 

Lorsqu’ils furent seuls le supérieur

 

Au jeune homme ainsi parla :

 

« Vous êtes paraît-il un parieur

 

Et vous gagnez à chaque fois.

 

Dans le rapport que j'ai reçu,

 

Votre colonel précédent

 

M'assurait qu'il n'avait pu

 

Jamais vous voir une fois perdant ».

 

« C'est vrai, répondit le lieutenant,

 

Ainsi vous tel que vous voilà

 

Je vous parie deux mille francs

 

Que sous cet habit de gala

 

Vous cachez avec terreur

 

Un mal affreux au postérieur ».

 

- Ah ça jeune homme êtes-vous fou ?

 

- Eh vous monsieur pariez-vous ?

 

- Volontiers, dit le vieux troupier,

 

Je peux bien parier nom d'un chien

 

A vous qui venez d'arriver

 

Que mon derrière est des plus sain.

 

- Permettez que je m'en assure,

 

Dit le lieutenant-gamin,

 

Je veux, pour en être sûr,

 

Sur votr’ derrière passer la main. 

 

- Eh bien regardez donc enfant

 

Et touchez, vous verrez bien

 

Que je n'ai rien d'offensant

 

Pas plus au derrière qu'au sein ».

 

Après avoir constaté

 

Et aussi avoir touché

 

Le lieutenant dit tout souriant :

 

« Colonel voilà deux mille francs ».

 

Celui-ci des plus heureux

 

Téléphona de suite

 

« Eh eh votre jeune bleu

 

Je l'ai eu moi et vite.

 

Il m'avait parié, l'imprudent,

 

Qu'au derrière j’avais du mal.

 

Il l'a touché c’n'est pas banal

 

Mais il a perdu son argent.

 

- Imbécile, répondit l'autre

 

Il nous a encore roulé

 

Avant de nous quitter votre hôte

 

A moi-même avait parié

 

Dix mille francs, ne vous déplaise,

 

Que le jour de son arrivée

 

Il pourrait vous toucher les fesses

 

Vous le voyez : il a gagné.

 

Marcel Geffroy

20 Novembre 1915

12 Mars 2002