L'incrédule

 

 

 

 

Chacun sait depuis longtemps

 

Que les prêtres deviennent sérieux

 

Surtout lorsque le poids des ans

 

Les faits ventrus ou bien goutteux

 

C'est à cause de cette vertu

 

Qu'un brave curé de village

 

Loua à l'hôtel de l’écu

 

Une chambre au troisième étage

 

Ce n'était que pour une nuit

 

Car il ne faisait que passer

 

Il partirait à sept heures huit

 

Pourvu qu'on vînt le réveiller

 

Hélas voilà qu'à minuit passée

 

Il fut pris d'une si forte envie

 

Que pour pouvoir la soulager

 

Il eût donné sainte Marie

 

Mais étant sans doute très pressé

 

De pouvoir enfin se reposer

 

Il avait omis par ma foi

 

A l’hôtelier de demander

 

Où était le petit endroit.

 

Il eut peur de se damner

 

Mais les curés sont nés malins

 

Et sur un morceau de papier

 

Son dévolu tomba soudain 

 

Habitué à servir à tout

 

Le papier eut pour cette fois

 

L’honneur insigne malgré tout

 

D'un curé de sauver la foi

 

Seulement lorsque notre prêtre

 

Se fut enfin bien soulagé

 

Il s'aperçut que la fenêtre

 

Donnait juste sur la chaussée

 

Voyant donc l’impossibilité

 

De se défaire du paquet

 

Il le plaça soigneusement

 

Dans l'angle de l'appartement

 

Le lendemain l’hôtelier vint

 

A six heures comme il devait

 

Éveiller notre bon sacristain

 

Qui eut du mal à se lever.

 

Il fait vaillamment ses valises

 

Laissant bien sagement

 

Dans le coin où il l'avait mise

 

La cause de ses tourments.

 

Seulement l’hôtelier la vit

 

Et de suite comprit la chose

 

Rien qu'à l’odeur il se dit

 

« Ce ne doit pas être des roses »

 

Il murmura tout doucement

 

« Dites-moi monsieur le curé

 

Et ce qu'il y a là-dedans

 

Il me semble que vous l'oubliez »

 

- Mais où donc mon brave hôtelier

 

Je suis sûr que j'ai bien tout »

 

Répondit l'abbé effaré

 

Et devenant du plus beau roux

 

« Si, si je vous assure, ici

 

Cela n'est vraiment pas banal

 

Regardez donc votre oubli

 

Il est ici dans ce journal »

 

Alors l'abbé très froid

 

Dit à l'autre penaud

 

« Je ne crois jamais moi

 

Ce qu'il y a dans les journaux ».

 

 

 

 

 

Marcel Geffroy

20 Novembre 1915

12 Mars 2002